Petro caribe, Haiti: Justice ou injustice?

*APPRENONS POUR MIEUX COMPRENDRE*

Me. Fritznel HECTOR
CG Cour d’Appel de Hinche

Le pays traverse l’un des moments les plus délicats de son histoire.

En un premier temps, il y a eu le fameux procès de la consolidation dont on connait bien les issues. Et maintenant, ce qui défraie la chronique et qui crée la plus grande stupéfaction, c’est cette affaire de Petrocaribe.

Un procès sérieux doit être engagé pour répondre au vœu du peuple, cette fois-ci, aux abois et intransigeant, même pour une fois.

Depuis peu, ils sont légion des leaders qui se disent épouser la cause de la masse. Ironie du sort, cette masse toujours appauvrie, exploitée et bafouée n’est plutôt témoin que de tous ces leaders qui s’enrichissent impudemment et impunément avec des fonds qu’on dit négociés en sa faveur, la laissant plutôt excessivement nécessiteuse.

Que de citoyens avec les mains vides, et sans aucune capacité économique antérieure, sont parvenus, en un rien de temps, à se tirer d’embarras avec des avoirs considérables !

Par où sont-ils passés pour y arriver ? Et combien de temps de travail, de production et d’économie ont-il su mettre à l’obtenir ? La réponse semble bien difficile.

Mais sur simple constat, bien de modestes en arrivent à un luxe bien étonnant qui incite parfois les plus nantis au découragement ?

Tout le monde sait que la bonne fortune ne vient jamais du jour au lendemain. Ça reste plutôt le fruit de longs efforts en un temps plus ou moins considérable.

Mais malheureusement chez nous, il ne suffit que d’un saut pour voir le sujet juché sur un sommet qui ne peut bien que l’étourdir. Il entend s’imposer en tout et partout comme si sa fortune douteuse le porterait bien au-dessus de la mêlée en tout. Et ainsi, ça devient la norme, surtout, depuis la déclaration lapidaire : *”Naje pou soti.*”

Fort heureusement le *naje* se prête à plusieurs connotations. Mais la seule retenue est celle qui invite à l’avidité, la cupidité, la rapacité, bref la corruption manifeste et outrancière.

Grands commis de l’Etat, grands fonctionnaires, patrons, employés, petits contractuels et autres, tous s’enlisent, sans la moindre gêne, dans la dilapidation, la surfacturation, et les moyens du genre, tout iniques, de soutirer de l’argent qui devrait servir au peuple dont les besoins primaires restent encore tout insatisfaits, tout cela, en application du *naje pou soti.*

Hélas ! Et voici la toute dernière goutte d’eau à faire déborder le vase : *le Petrocaribe.*

Pourtant, ce contrat haitiano-venezuelien si juteux, a été précédé et même rivalisé par d’autres fonds toujours quemandes au nom du peuple. Cependant, il faudra reconnaître que le plus alléchant, pour être aussi le plus faramineux reste ce petro qui avoisine *les quatre mille millions de dollars américains (3.8 milliards)* qu’on dit détournés ou mesuses.

Cependant, la délicatesse réside dans le fait que même des suspects difficilement contestables à l’oeil nu, entendent anticiper pour se faire le statut de plaignants, espérant bien pouvoir s’esquiver des rigueurs de la Justice. Mais, en réalité, la seule vraie plaignante reste la masse toujours croupie dans la misère la plus abjecte. On lui doit justice. C’est pas possible. Et il faut que cesse cette sale pratique dans un pays avili même par les puissances de moindre valeur par rapport à tant d’autres.

La corruption a aveuglé les dirigeants au point que même toujours en visite en République Dominicaine, le voisin le plus proche qui a accompli des prouesses avec son Petro, ils n’en tirent aucune leçon. Ils vont se divertir ailleurs. Et pour le moindre malaise, ils font vite venir l’avion de l’étranger qui les transporte à des frais tout exhorbitants, et sans juste prix. Ils s’achètent des palais luxueux tant ici qu’ailleurs, sans jamais penser à doter le pays où ils exercent des structures et infrastructures nécessaires favorables au peuple dont ils disent épouser la cause. C’est impensable.

Ils montent toujours au créneau avec des astuces et des faux-fuyants inventés sur mesure pour déstabiliser les pouvoirs légitimes et les rendre inopérants, générant ainsi toujours des crises qui leur sont toujours bien lucratives.

Obsédés par le luxe et lucre, ils ne rêvent que du maintien du statu quo, toujours au détriment de ce peuple toujours en guenille. Et ils le font de la manière la plus esciente en méconnaissant et dévalorisant intentionnellement la Justice du pays.

Oui, voué à l’enrichissement illicite soumis à aucun contrôle, corollaire direct de la corruption et de la médiocrité manifeste, le pays se voit avec une *éducation au rabais* et *une Justice en berne.*

*I) Une éducation au rabais*

Nombre de décisions apportées par des agents nationaux d’éducation ne visent que de diminuer en profondeur la valeur de l’éducation dans le pays. Et c’est honteux de dire que, même dans les facultés, on peut bien se retrouver en présence d’étudiants ne sachant pas bien lire un texte, ni écrire, quand on sait, par principe, que tout texte bien lu est à moitié compris.

Pour parvenir plus facilement à leurs fins, il se veut une nécessité même pour l’éducation du pays d’être frappée d’impotence, d’inconsistance et d’abasourdissement.

On est parvenu à un stade où il se recense toute une galerie d’écoles et de facultés dépourvues du moindre contrôle comme des églises, et des banques de borlettes.

Livrées à elles-mêmes, toutes les écoles, formelles ou informelles, publiques ou privées, laïques ou confessionnelles, décident comme bon leur semble. Il est tout difficile de compter le nombre d’inspecteurs à l’Education Nationale. Mais pour faire quoi alors, peut-on se demander ?
De multiples anomalies criantes ne cessent de se répéter dans des écoles dont, pour la plupart, même des inspecteurs sont propriétaires.

Et à la fin de l’année scolaire, en complicité manifeste avec des surveillants, et même des superviseurs tricheurs, complaisants, sans caractère, et irresponsables, pour n’être point à la hauteur de la si noble mission à eux impartie, ceux qui n’ont jamais été en salle de classe pour l’année, ou même ceux oubliant complètement les activités scolaires, on les voit déambuler de joie pour saluer leur réussite aux examens officiels de 9eme année, et surtout du fameux Bac unique, avec des matières au choix. Quelle est donc l’économie de cette mesure ? On n’en voit vraiment rien.

Et le pire, il y a leurs universités qui les attendent à bras ouverts. Sortis sans trop grande difficulté avec leurs diplômes, ils sont sur le marché du travail, attendant quelqu’un pour les intègrer dans l’administration. Mais, à les soumettre au moindre test, ils ne préféreront que la prompte défection, puisqu’ils sont de loin aptes à en supporter les rigueurs.

Et même avec la présence de l’OMRH, cet Organisme de renom piloté par l’un des cadres les plus versés du pays, la situation tarde à connaître une certaine amélioration parce que la politique du maintien du statu quo l’emporte bien.

Quelle affaire ! La médiocrité, l’amateurisme, et l’improvisation s’infiltrent dans toutes les artères de l’Administration haïtienne. Y aurait-il vraiment espoir d’un mieux-être dans pareille situation ?

*II) Une Justice en berne*

La Justice, avec sa fonction régulatrice de la société, se dégrade dans une déchéance jamais enregistrée dans l’histoire.

Tout d’abord, les deux grands tenors responsables comme le MJSP et le CSPJ semblent ne point s’accorder sur les priorités réelles de la *Magistrature* dans sa globalité. Ils évoluent dans une duplication, une indécision, et une opacité qui viennent plutôt alourdir le système judiciaire, le rendant ainsi plus inefficace que jamais.

Les responsables des deux principales entités ne s’échangent si tellement qu’ils en arrivent, tout penauds, à être témoins d’une dissociation si dangereuse dans le Corps de la Magistrature, ce qui peut, à n’importe quel moment de la durée, éclabousser tout l’ensemble du système. D’autant plus que c’est manifestement contraire à *la loi de 2007 portant sur le statut de la Magistrature.* C’est pour montrer combien eux-mêmes, ils tardent encore à s’entendre même sur le qui fait quoi exactement.

Et le système se désagrège avec même la présence d’agents tout prétentieux, mais bien peu performants dans le domaine, pour être sans orientation réelle et effective.

Et là encore, on compte des mieux nantis. Ils courent après des privilèges et tentent encore n’importe quoi pour y parvenir.

C’est une dégénérescence généralisée au point que tous ceux qui se proposeraient un changement quelconque trouveraient bien de peine à trouver par où vraiment commencer.

Soyons honnêtes pour accepter que notre Justice est en proie à la pire capitulation, d’autant plus que, depuis près de deux ans, la première et la plus haute Juridiction du pays persiste dans le disfonctionnement, pour manque de bras.

De surcroît, même après près de deux siècles, notre Justice se voit encore à la solde de lois et procédures pénales manifestement anachroniques, pour n’être en usage que depuis seulement 1825 et 1835, 21 et 31 ans après l’indépendance du pays en 1804. Quelle paresse intellectuelle pour des juristes de renom toujours prêts à se frapper la poitrine comme des virtuoses dans le domaine ! Et quand on sait que les lois sont affaires d’époque et de génération, voire de civilisation, elles devraient nécessairement évoluer avec le temps. Mais, chose curieuse, ça n’interpelle vraiment personne.

Alors, devant ces si laides réalités difficilement contestables, spécifiquement, éducation au rabais, éducation civique et citoyenne négligée, système judiciaire en plein disfonctionnement, amateurisme, corruption, pour ne citer que celles-là, des citoyens sensés peuvent-ils bien s’attendre à une issue heureuse d’un procès Petrocaribe ? Serait-ce vraiment honnête de penser que c’est le procès qui est le mobile de toutes les activités des rues ? N’y aurait-il pas anguille sous roche, et même des intérêts inavoués dans cette affaire devenue surtout si contagieuse en un si court laps de temps ?

Ça invite à de bien sérieuses réflexions pour ne pas trop s’empresser de s’embourber dans des mésaventures qui vont coûter au pays plus de déboires qu’il n’en faudrait.

Les observateurs avisés doivent se mesurer à l’aune de la logique pure pour apprécier, sans passion, cette situation d’inconfort et d’incertitude à l’oeil nu, qui tend à s’installer dans le pays. On rêve de mieux, il le faut absolument. Mais il faut bien s’entendre sur les voies et moyens sûrs pour y parvenir.

*Sans réflexion profonde, on ne peut que se creuser sa propre fosse.*

Faisons bien attention. N’oublions pas le procès de Jean Dominique encore sans aucune issue heureuse.

Et à mon sens, les changements qui doivent concourir à un mieux-être effectif de la nation haïtienne ne pourront jamais se recenser dans le
devenir si incertain d’un quelconque procès Petrocaribe, bien que ce puisse être un point excessivement important, voire indispensable pour le moment.

Les inconscients doivent nécessairement en tirer la leçon y afférente en répondant publiquement de leurs forfaits contre cette nation naïve et si peu exigeante.

Mais c’est si complexe. Il faut bien de la perspicacité pour que ce procès ne vienne plutôt nous réduire par des décisions plutôt défaitistes et inappropriées qui n’apporteront jamais les solutions escomptées.

Me. Fritznel HECTOR, Avocat;
CG Cour d’Appel de Hinche.

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