CONSIDERATIONS SUR LES PROPOSITIONS DES DEPUTES RELATIVES À UNE REFORME CONSTITUTIONNELLE.
In limine litis, je dirais que la Constitution haïtienne de 1987, pour n’avoir été adoptée que dans une pure euphorie, ne tenant alors point compte de nos réalités politiques, doit être absolument renvoyée aux calendes pour faire place nette à une nouvelle Constitution plus adaptée à nos réalités de peuple.
Toutefois, avec tout un bouquet de félicitations bien méritées, je m’empresse de vanter le courage et la détermination des députés pour ce travail colossal soumis à l’appréciation de la nation.
Cependant, je m’en voudrais de ne pas relever certaines omissions, ou même de venir avec des ajouts que j’estime autant pertinents que réalistes.
À mon sens, les députés veulent toujours s’accrocher à cet État incohérent qui ne pourra jamais produire de sérieux résultats sans une reconsidération sérieuse de certaines pratiques.
Disons bien qu’aucune refonte constitutionnelle ne pourra produire des résultats sans remettre en question la structure même de l’État. Tous ceux qui essaient de bâtir sur ce sable mouvant qu’est notre Haïti telle que conçue par le découpage géographique, se verront toujours à marquer le pas sur place. Il faut tenir compte de tous les paramètres importants qui peuvent profiter au pays.
*1)* Par exemple, et tout d’abord, il faudra absolument divorcer d’avec ce découpage géographique qui donne Haïti en dix (10) départements. Un petit pays unitaire de 27.750 km2 ne doit pas souffrir de pareille répartition géographique de dix départements, pendant que des Etats fédérés des États-Unis d’Amérique avec près de deux millions de Km2 de superficie, (l’Alaska par exemple , avec plus de 1 million sept cent mille km2, le Texas, plus de 600 mille, la Californie, plus de 400 mille), ne sont pas aussi morcelés. Nous ne sommes qu’un pays unitaire avec des seules et mêmes lois pour toute la République. Donc, ce sera plus sensé de considérer quatre (04) régions dans le pays. Et même si ça reste à déterminer définitivement, on peut bien proposer le Grand Nord, le Grand Sud, le Centre, et le Grand Ouest.
*2)* Ensuite, on pourra plus ou moins comprendre que, à partir de tout cela, on n’aura besoin que de dix (10) parlementaires par région, en tout 40 parlementaires. Il faudra finir avec cette affaire de Sénateur pour Haïti. Un Sénat coûte beaucoup à un pays. Et seuls les pays à grandes capacités économiques peuvent bien en supporter les coûts excessifs. Les États-Unis, le Canada, l’Allemagne, le Royaume Uni, la France, pour ne citer que ceux-là. Il y en a qui ont fait l’expérience d’un Parlement bicameral. Mais ils ont été obligés d’y renoncer parce que le poids s’est révélé si immense. Donc, un pays comme le nôtre, à ressources économiques si limitées, ferait montre de sagesse pour adopter un Parlement monocameral comme la Chine, l’Israël, l’Irak, la Grèce, le Venezuela, le Guatemala, Cuba, le Portugal, la Suède, le Nicaragua, le Salvador, le Honduras, la Finlande, le Danemark, le Costa- Rica, la Nouvelle- Zélande, la Croatie, le Panama, l’Egypte, le Pérou, le Sénégal, etc….
*3)* L’on voit tout le dilemme de l’Etat avec cette affaire de Premier Ministre et le contrôle de l’Exécutif par un Parlement qui en est plutôt à se noyer. Nous voici donc avec deux Premiers Ministres aux frais de la République. L’un est démissionnaire, l’autre est nommé. Et les deux sont à bénéficier des largesses de l’Etat pendant que les parents n’ont pas encore les possibilités d’envoyer leurs enfants à l’école qui rouvre déjà ses portes. L’Etat d’Haiti, en l’état où il se trouve actuellement, en est à assumer la responsabilité de deux Premiers Ministres ! Que c’est difficile à comprendre ! De surcroît, on connaît bien l’histoire de ce Parlement avec l’Exécutif. Un Parlement qui doit contrôler l’Executif, et qui s’amuse quotidiennement à quémander auprès de cet Exécutif qu’il doit contrôler. Et s’il y avait même un minimum de contrôle du Parlement sur l’Exécutif, aurait-on jamais cette tragédie insipide de
PetroCaribe ? On n’interpelle toujours que les Ministres les plus réticents à répondre aux instances. Et voilà qui donne que le Parlement et l’Exécutif se trouvent tous les deux impliqués jusqu’au cou dans cette petro-episode. C’est pour dire que ça ne profite nullement à l’Etat, cette affaire de contrôle de l’Exécutif par le Parlement. Ces deux pouvoirs sont appelés à collaborer pour une gestion saine et harmonieuse de l’Etat, mais pas de contrôle de l’un sur l’autre dans un sens strict du terme. D’autant plus que chacun des 3 pouvoirs doit être indépendant dans son mode de
fonctionner, avec cette injonction que le pouvoir doit arrêter le pouvoir.
*4)* Cela dit, on comprend bien la nécessité impérieuse de finir avec cette affaire de Premier Ministre, tout comme du contrôle du Parlement sur l’Exécutif. Ça ne fait qu’alourdir au plus haut point, le fonctionnement même de l’appareil étatique.
Il va falloir un Exécutif monocephale avec un Président et un Vice-président comme tous les autres pays de la région. Pourquoi devrions-nous souffrir de cet isolement ? Nous sommes bien le seul pays de la région à trainer ce charriot de misères avec un régime hybride qui ne fait que nous rabaisser jusqu’à néant. Il nous faut absolument faire un halte.
*5)* Important de rappeler qu’aucun développement n’est possible sans une Justice potable et forte dans le pays. La Justice mérite de recouvrer sa place comme il le devrait. Une Justice haïtienne sans tenants ni aboutissants. Qui est-ce qui la gère ? La gère au profit de qui ? La Justice haïtienne est dans l’impasse avec des omissions, frustrations de toutes veines, et des nominations pléthoriques, injustifiées, inopportunes et anarchiques qui ne reposent sur aucun critère sérieux. C’est comme si l’on nomme pour les besoins de cause personnelle, sans le moindre souci de dispensation saine, équitable et impartiale de cette Justice à toute une galerie de justiciables aux attentes jamais comblées. Et le MJSP et le CSPJ disent assumer la gestion de la Justice qui pourtant, se décrépit de mieux en mieux. On ignore même l’importance vitale d’une Chaîne Pénale dans le Système Judiciaire. C’est bien dommage ! Une révision en profondeur du statut des Magistrats poursuivants, conformément à la Loi de 2007, se veut d’une extrême nécessité, et ne doit point attendre.
*6)* Comment un Président de la République, premier citoyen de la nation pourrait être mineur ? C’est inconcevable. Si, en plein exercice de sa fonction, il est passible de Haute Cour de Justice pour des infractions que la Loi traite pour telles, sitôt rétabli son statut de citoyen, il doit, comme tout citoyen d’ailleurs, se mettre au service de la Justice pour répondre de tout crime de droit commun à lui reproché. Et même pour tout excès dans l’exercice de sa fonction, qui n’était pas passible de Haute Cour de Justice, sans même la moindre prescription.
*7)* En démocratie, le peuple est tenu de placer ses mots dans toutes les grandes décisions qui concernent la vie de la nation. Comment donc lui refuser le droit au référendum, procédé qui doit lui permettre de mieux pouvoir s’exprimer ? Ça n’a pas de sens.
*8)* Que l’on dise le CEP ou le CEN, cette querelle de connotation ne revêt d’aucune importance. L’essentiel, c’est d’éviter que cet Organe électoral agisse à la fois, comme Juge et partie. C’est lui qui doit sanctionner une décision que lui-même eut à prendre antérieurement. N’est-ce pas de la pure démagogie ? C’est nettement plus séant que les contentieux d’avec cet Organe soient portés par devant la Cour de Cassation, l’instance judiciaire suprême de la République, qui tranchera définitivement. Et ça,
C’est dans tous les pays qui comprennent le sérieux des affaires de la nation avec lesquelles on ne doit point jouer.
*9)* La proposition #30 qui porte sur le mandat des élus pour 5ans pourrait bien tenir. Ça éviterait vraiment des déboires économiques. Mais il faudra s’entendre sur le type d’élus. Il faut que des élus soient vraiment capables de se comporter comme tels. On ne devra pas choisir n’importe quel élu pour créer de l’instabilité et de la désinvolture pendant 5 ans.
*10)* Personnellement, je n’arrive pas à comprendre l’importance et le rôle de l’ULCC, l’UCREF, CONALD. À mon sens, elles devraient être, à la rigueur, des entités spécialisées du Ministère de la Justice, comme le BIM, le BLTS, la DCPJ pour la PNH. Donc, leur allouer un budget propre comme pour faire d’elles des entités à part, je n’arrive pas à en comprendre le bien-fondé, d’autant plus que les résultats qu’ils apportent au pays ne correspondent même pas au 1/10 de ce qu’elles coûtent à la nation.Tout ça, c’est du pur gaspillage. On devrait plutôt reconsidérer cette affaire.
*11)* Qui ne connait pas les sombres experiences des cartels en Haiti ? C’est une source sérieuse de divisions. Les cartels n’arrivent pas toujours à s’entendre. Et ça a même coûté des vies. C’est hautement sage d’en finir avec. Et puis, patout, on parle du Maire, et non des Maires. Le Maire de Paris, le Maire de New York, le Maire de Chicago, etc… Haïti excelle toujours dans les traditions de mauvais goût et de la médiocrité. Il faudra finir avec le cartel de Maires et de Casecs.
*12)* Il est toujours dit que ceux qui doivent intégrer l’Adminidtration d’Etat ne doivent l’être que sur une base méritocratique. On l’a sciemment aboli pour verser plutôt dans des nominations douteuses qui n’ont pu accoucher que de cette Administration médiocrate qui ne répond point aux attentes des citoyens. Beaucoup d’employés pour faire quoi ? Pour quel résultat ? Il faudra absolument réviser la donne pour que l’Administration haïtienne en revienne vraiment aux plus capables. Car, c’est autant injuste qu’insensé pour des cadres mieux préparés de se rendre au Chili ou ailleurs, en quête d’un mieux-être, et laisser L’Administration, sous couvert d’une certaine influence, à des plus modestes qui ne savent pas toujours quoi faire dans les postes à eux assignées.
Me. Fritznel HECTOR, Avocat
Commissaire du Gouvernement à la Cour d’Appel de Hinche.